La mobilisation citoyenne a gagné contre l’expulsion
par Samir ABI
Nombreux sont les togolais qui ont suivi la désormais célèbre affaire Cynthia, du nom de cette jeune togolaise résidant en Belgique en instance d’expulsion et qui a mobilisé toute l’opinion publique belge ces dernières semaines. Le dénouement heureux de cette affaire grâce à la mobilisation de ses professeurs, de ses camarades d’école, de la presse et de la société civile belge prouve aux yeux de tous que les citoyens européens sont loin d’être des bourreaux assoiffés d’expulsion des migrants comme la politique migratoire actuelle européenne le fait penser. La Belgique et particulièrement les citoyens de la commune de Forest ont su démontrer face aux politiques qu’au delà des lois le fait migratoire est avant tout un fait humain et dans le cas de la jeune Cynthia le cœur et la raison condamnait son expulsion.
Malgré sa situation d’élève et les preuves des violences familiales dont elle a été l’objet, l’office des étrangers de Belgique défendait jusqu’à il y a encore quelques jours la nécessité d’expulser Cynthia en prétextant qu’elle pouvait valablement continuer ces études au Togo. Un tel argument ne peut que choquer quand on sait la différence entre les systèmes éducatifs belge et togolais. Au delà du manque de moyen chronique et de la qualité relative qui caractérise le système éducatif au Togo, il n’existe aucune équivalence dans la structure entre les écoles togolaises et belges. Bien des familles de la diaspora togolaise en Belgique de retour au Togo ont pu se rendre compte de la difficulté à trouver une équivalence de niveau à leurs enfants ayant évolué dans le système Belge. Faute de moyen pour les inscrire dans une école internationale, les parents se voient donc obligés d’envoyer leurs enfants aux dures réalités de l’école togolaise, avec ses classes pléthoriques, ses enseignants sous payés et démotivés, un programme scolaire archaïque. Ces jeunes sont ainsi obligés de se mettre à niveau par rapport au programme scolaire togolais fort différent de ce qu’ils avaient eu à étudier en Belgique ce qui augmente leur chance d’échec et de rejet de leur nouvelle école.
En se mobilisant pour Cynthia, les citoyen-ne-s belges ont voulu sauver une fille promis à un brillant avenir qu’une expulsion à des fins politiques aurait pu ternir. Le cas Cynthia révèle aux yeux du monde la triste réalité de ces milliers d’enfants expulsés avec leur famille, arrêtés devant leur établissement scolaire pour certains, et obligés de regagner le système éducatif de pays dont ils ne connaissent ni l’histoire ni la géographie. Des enfants pouvant apporter un plus au monde par de brillantes études mais dont l’avenir est ainsi brisé.
Cette affaire nous révèle aussi le grand rôle que joue quotidiennement le corps enseignant et toute l’administration scolaire en Europe face à ces injustices. En démontrant leur solidarité à leurs élèves sans papiers, au risque certaines fois de poursuites judiciaires, ces enseignants font preuve d’un courage inspirant et donnent encore une fois l’image de toute la noblesse de cette profession. Il est évident que l’enseignant ne peut être ce donneur de leçon s’il ne sert de modèle par ses actions aux élèves qu’ils forment. Le sens de la justice étant une vertu fondamentale dans toute formation, la question migratoire à l’heure actuelle démontre à quel point des injustices sont commises chaque jour contre des hommes et des femmes, des filles et des garçons qui n’aspirent qu’à une chose: Vivre.
La joie de l’issue heureuse qu’a connu l’affaire de Cynthia ne peut faire passer sous silence la recrudescence des expulsions de la Belgique vers différents pays dont le Togo avec ses lots de tragédie. Une des dernières en date est la tragédie de cette jeune togolaise expulsée l’été passé de Belgique et arrivée au Togo avec des marques sur son corps. Les services d’immigration togolaises n’ont eu d’autres choix que d’exiger un bilan médical de la jeune fille avant de laisser repartir l’escorte de la police belge qui accompagnait l’expulsée pour éviter une crise diplomatique entre les deux pays. Triste situation que celle de ces pays qui ne peuvent défendre la protection de leurs citoyens malmenés pour faute de papiers au risque de se faire couper l’aide publique au développement. Malgré tout, le dernier mot reviendra toujours aux citoyens européens. Eux seuls peuvent décider de mettre fin à une politique migratoire sécuritaire et tragique faite en leur nom.