En direct de Sao Paulo
Par Samir ABI
En ce moment à Sao Paulo au Brésil, la 7ème édition du Forum Social Mondial des Migrations bat son plein autour du thème : « Les migrants porteurs d’alternatives face au désordre et à la crise globale du capital « . Un millier de participants venant de 57 pays se sont donnés rendez-vous dans la capitale économique brésilienne. Comme d’habitude à chaque fois qu’un Forum Social Mondial (FSM) se tient au Brésil, les couleurs et la mobilisation suscitent l’admiration de tous. Le Brésil a vu naître le FSM et chacun des évènements liés au forum, qui se tient au Brésil, donne l’occasion au peuple brésilien de montrer au monde sa foi dans les alternatives citoyennes pour l’émergence d’un autre monde.
Bien qu’inclut à part entière dans le processus du FSM, le Forum Social Mondial des Migrations a pour particularité d’être un espace de rencontre des migrants et des acteurs sociaux travaillant dans le domaine de la migration. Ce forum a émergé également à Porto Alegre dans l’Etat du Rio Grande do Sul au Brésil en 2005. La migration est devenue au fil des années une lutte existentielle pour des milliards d’individus sur notre planète et en soi nécessite un forum spécialement dédié. Face à la libre circulation des biens et services défendue par l’Organisation Mondiale du Commerce et les Institutions Financières Internationales (Banque mondiale, FMI), la liberté de circulation des personnes ne trouve pas autant d’échos au niveau des enceintes officielles internationales. Il appartenait donc aux citoyens du monde globalisé, victimes des injustices liées à la migration, de créer leur propre espace pour réfléchir à leur sort et lancer des actions pour l’avènement d’alternatives au système de gestion actuelle de la mobilité humaine.
Le thème du Forum Social Mondial des Migrations de Sao Paulo vise à rappeler, à juste titre, la crise actuelle qui secoue ce pays. Pourtant le Brésil connaissait il y a quelques années encore un renouveau social fulgurant. Sous la présidence de Lula da Silva, le pays avait vu progressivement des millions de personnes sortir de la pauvreté grâce à des programmes de généralisation de l’emploi, d’accès aux logements sociaux, à la santé et aux études primaires, secondaires et supérieures. Le cadre dans lequel se déroule actuellement le forum, l’Universidade Zumbi Dos Palmares, est un des lieux mythiques de cette période qui a permis aux afro-brésiliens discriminés dans les universités traditionnelles de bénéficier d’études universitaires. Cette envolée sociale va être stoppée par la chute des prix des matières premières dont dépend fortement le Brésil. En outre, les conditionnalités liées à l’endettement record du Brésil auprès de la finance internationale pour l’organisation de la coupe du monde 2014 et des jeux olympiques de Rio de cette année ont également une part dans cette crise. Enfin et surtout il faut souligner la corruption généralisée au sein de la classe politique brésilienne quelque soit le parti. La destitution de la présidente Dilma Rousseff a été un épisode marquant cette année de cette crise socio-économico-politique que continue de vivre le Brésil.
Malgré la crise et le chômage ambiant, les brésiliens se sont mobilisés pour accueillir cette septième édition du Forum Social Mondial des Migrations. De l’aéroport de Guarulhos au Centro Esportivo de Lazer Tieté en passant par le secrétariat technique du Forum à Tatuapé, ce sont de nombreux volontaires, jeunes et vieux, issus de toutes les cultures métissées du Brésil qui vous accueillent. Ils sont nippo-brésilien, afro-brésilien, italo-brésilien, libano-brésilen, portuguo-brésilien mais malgré la fierté qu’ils ont de leur origine, ils se réclament avant tout Brésiliens et même mieux « Paulistas« . L’appartenance à cette ville de Sao Paulo est un élément de leur identité. Les habitués du Brésil savent la lutte de leadership toujours présente entre les « Paulistas« , les habitants de Sao Paulo, et les « Cariocas« , les habitants de Rio de Janheiro. Pour bien marquer la spécificité et le sens de l’accueil de sa ville, le Maire de Sao Paulo a ouvert les portes de la Prefeitura de Sao Paulo à la délégation internationale participant au Forum.
Libano-brésilien, Fernando Haddad, fait parti de cette seconde génération de migrants qui donne toute sa couleur à la ville de Sao Paulo. Dans son discours à l’endroit des délégués des différents pays participants au Forum Social Mondial des Migrations, il a tenu à rappeler l’histoire de son père, immigrant libanais, arrivé à Sao Paulo dans les années 1930. L’accueil et les facilités offertes par le Brésil lui ont permis de s’intégrer aisément et à son fils de devenir Maire de Sao Paulo. Cela peut être un exemple pour bien des pays où même après plusieurs générations d’installation, les migrants n’ont pas la possibilité de briguer des postes d’importance. Les débats soulevés par la récente élection de Sadiq Khan, britannique d’origine pakistanaise, à la mairie de Londres, en sont la preuve. Fernando Haddad, fils de migrant, dirige ainsi la ville la plus importante de toute l’Amérique latine aux niveaux économique et financier.
Avec ses douze millions d’habitants, Sao Paulo compte la plus grande communauté italienne vivant hors d’Italie, la plus grande communauté japonaise vivant hors du Japon et la plus grande communauté libanaise vivant hors du Liban. Ces communautés, installées à Sao Paulo depuis près d’un siècle, font parties intégrantes de la vie sociale. Ces dernières années ont vu arriver sur la ville de nouvelles vagues de migration attirées par les progrès sociaux au Brésil. Ainsi des boliviens, des chiliens, des péruviens, des argentins, des haïtiens pour l’Amérique latine et des Angolais, des Cap Verdiens et des Bissau guinéens pour l’Afrique sont venus apporter leur diversité à cette ville. Les crises récentes en Europe ont eu pour conséquence également l’arrivée de nouveaux immigrants européens et d’immigrants des pays d’Afrique francophone et anglophone qui se sont détournés de l’Europe et de ses politiques migratoires mortifères. L’hospitalité brésilienne, terre d’immigration depuis le XVème siècle avec l’arrivée des premiers migrants portugais et le développement par la suite de la traite négrière, est toujours d’actualité.
Cependant l’influence des politiques européennes d’immigration est de plus en plus perceptible avec de nouvelles restrictions imposées depuis cette année à l’entrée des migrants au Brésil, en particulier ceux venant d’Afrique. Pour ne citer qu’un petit exemple, les africains issus de pays dits pauvres et sous développés, se rendant au Forum Social Mondial des Migrations ont du payer chacun un visa de 80 euros (55000 F Cfa) en plus de leur billet d’avion alors que les européens n’avait pas besoin de visa. Une injustice migratoire qui certes n’étonne plus dans un monde où en fonction du pays ou du continent où l’on nait, on se voit automatiquement attribuer une étoile jaune pour signifier votre différence. Ainsi commence une injustice qui durera toute votre vie. Tel est le message que la petite délégation africaine, présente à Sao Paulo, a tenu à partager avec les participants de ce septième Forum Social Mondial des Migrations tout au long des quatre jours de conférences, d’ateliers et d’échanges sur les alternatives pour une liberté de circulation effective pour tous.
Excellent article sur le FSMM, félicitation à toute la Délégation Africaine et un merci au CCFD qui a permis à la plupart des membres de la Délégation de participer à cette rencontre avec toutes les bonnes conditions de séjour. Félicitation et merci à ABI Samir pour ce pertinent article. Mamadou SARR ANPM-Sénégal
Je suis un peu déçu quand bien même c’est ma première fois de participer à un forum.J’avais tant espéré voir beaucoup d’organisations Africaines portées de la voix et barrer la route à ces formes de capitalisme qui fragilisent nos états d’une part et les actions transversales des migrants d’autre part.Depuis le mois de Mars quelques organisations ont essayé de se mettre ensemble ,portées la voix de l’Afrique mais hélas il n’y a eu quelques unes.Je pense que cela ne porte pas fruit.
Unissons nous pour porter plus de voix