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L’Afrique et le désarmement nucléaire

Vers un traité d’interdiction des armes nucléaires; contribution pour une Afrique plus active

Par ABI Arafat, Juriste,

Stagiaire à la Campagne Internationale pour l’abolition des Armes Nucléaires

désarmement nucléaire« Les 70ième anniversaires du bombardement d’Hiroshima et de Nagasaki doit être l’occasion pour les 38 pays Africains qui y ont souscrit de réaffirmer leur attachement à l’engagement humanitaire et d’exprimer leur désir de faire de l’interdiction des armes nucléaires un axe prioritaire pour toute l’Afrique en s’appuyant sur les conséquences humanitaires catastrophique des armes nucléaires pour le continent Africain. »

Faire un bilan. Rien de plus logique après cinq années de rude implication, travail, sacrifice et engagement pour que le mauvais cap soit renversé à la Conférence d’Examen du Traité de Non Prolifération (TNP) de 2015. Mais, tout bilan au-delà de constater le passé, doit se projeter vers  le futur. C’est dans cette entreprise que cet article essaie de se lancer en se focalisant bien évidemment sur la zone Africaine. Quelle à été l’implication de l’Afrique dans ce processus ? Et à quoi doit-on s’attendre de sa part dans les prochaines années ?

Le 22 mai dernier, a pris fin la conférence de révision du Traité de Non Prolifération (TNP). Réussite ou échec, les avis restent de toute évidence mitigés et partagés. Lorsque d’un coté certains parlent d’échec, eu égard entre autre aux positions tenues par certains pays tels que le  Royaume Uni, les Etats-Unis et le Canada, d’autres défendent plutôt  une version différente. Ces derniers, optimistes, évoquent  une avancée incarnée par les 113 Etats (107 lors de la clôture du TNP) qui à l’heure actuelle ont réaffirmé leur engagement à faire avancer le désarmement nucléaire en rejoignant l’Engagement humanitaire, nouvelle acception de ce qu’on connaissait sous le nom d’Engagement d’Autriche (Austrian Pledge).

S’il est clair que ces 113 Etats ont fait un pas sans aucun doute déterminant dans la lutte pour un traité d’interdiction des armes nucléaires, il est intéressant de regarder de près l’engagement des différents groupes régionaux. Cet article, contribution à l’établissement d’un repère ayant des vues sur le passé et le futur, aura ainsi pour poutre maîtresse le groupe régional Africain. Il permettra de prendre la température de l’engagement de ce groupe régional sur les questions du désarmement nucléaire en général et son implication, en particulier, lors de la conférence de révision du TNP en mai dernier. Tout en notant des manques regrettables, cet article restera pour autant emprunt d’un certain optimisme au vu des perspectives.

Des regrets considérables à noter

Bien que la plupart des  Etats africains aient signé et ratifié les différents traités portant sur les armes de destructions massives, leurs implications dans les débats restent toujours limitées. Ceci est certainement dû au fait que les questions relatives au désarmement nucléaire ne constituent pas encore une priorité pour ces Etats.  Il y a donc une grande nécessité de travailler encore plus sur la formation des diplomates africains. Ceci nous permet d’évoquer le grand apport des conférences humanitaires à Oslo, Nayarit et Vienne, tenues en prélude à la dernière conférence d’examen du TNP. La portée de toutes ces conférences, réside dans le fait qu’elles ont permis à différents acteurs, dont certains diplomates africains, de mieux s’approprier les questions liées au désarmement nucléaire de même que les enjeux qui s’y rattachent.

L’un des regrets à exprimer réside aussi dans le fait que la question relative à l’interdiction des armes nucléaires peine à faire partie des grandes priorités des politiques africaines. Même si les raisons avancées pour justifier cela résident dans le fait que l’Afrique fait aujourd’hui face à beaucoup de conflits, instabilités  et à de graves et imminentes menaces, il est important de remarquer que la problématique des armes nucléaires reste un problème d’une importance aussi grande ; vu, non seulement les conséquences humanitaire catastrophiques qu’elle peut causer, mais eu égard également au fait que l’humanité ne puisse faire efficacement face à ces dernières. Notre regret se justifie ainsi dans la mesure où la non priorisation de la question du désarmement nucléaire dans les politiques, qu’elles soient continentales ou  nationales, ne fait que favoriser l’insuffisance de l’implication des Etats africains dans le processus d’interdiction et d’élimination des armes nucléaires.

L’autre des vifs regrets à évoquer réside dans la faible représentativité des Etats africains dans les conférences internationales sur le désarmement nucléaire. Ceci est la conséquence logique de la non priorisation des questions de désarmement nucléaires en Afrique évoquée ci dessus. En effet, nombres d’Etats africains, éprouvent vraisemblablement des difficultés à envoyer un nombre suffisant de représentants lors des différentes rencontres internationales ; en l’occurrence lors des rencontres et négociations portant sur le désarmement nucléaire. Ceci a donc été le cas lors de la Conférence d’examen du TNP.  Ce constat est fort regrettable et il est clair que si ces Etats n’ont pas, au sein des Ministères des affaires étrangères,  les ressources humaines et financières conséquentes, leur participation aux discussions et débats s’en voit aussi affectée. Cette situation au-delà de mettre ces Etats africains dans une posture de spectateur et  non d’acteur, fait d’eux les premières victimes de décisions prises en leur absence. Ce phénomène, présent également dans le traitement accordé à la société civile lors de ces rencontres internationales, doit remettre vivement la question relative à la démocratie internationale à la une des réflexions.

Nos regrets se sont aussi intensifiés face au nombre d’Etats africains n’ayant pas souscrit à l’engagement humanitaire avant la fin de la conférence d’examen.  Ceci est dû, pour une partie des Etats n’ayant pas souscrit, à des considérations stratégico-politiques. Mais dans nombre de cas, il faut imputer  cela aux difficultés éprouvées par certaines administrations, ministères et missions établies à Genève et New York, dans leur fonctionnement malgré leur désir de faire avancer la question du désarmement nucléaire. D’ailleurs, les souscriptions à l’engagement recueillies depuis la fin de la conférence de révision sont fortement évocatrices de ce désir.  Ainsi parmi les 113 états ayant endossé l’Engagement humanitaire, on dénombre à la date de publication de cet article 38 Etats africains. Ce nombre reste très déterminant dans la suite à donner à l’initiative d’un désarmement humanitaire, d’où la nécessité de préserver et de consolider les acquis jusqu’alors capitalisés.

Des acquis à préserver et à consolider

Il faut de prime abord commencer par mettre l’accent sur le fait que le traité de Pelindaba, faisant de l’Afrique une zone exempte d’armes nucléaires, a exprimé la volonté ferme de la zone Afrique à aller vers un monde débarrassé des armes nucléaires. Ce traité, entré en vigueur en 2009, a d’ailleurs permis de prendre de l’avance sur celui de Tlatelolco (pour la zone Amérique Latine et Caraïbes) en prévoyant la nécessité de détruire toute installation dédiée à ces armes nucléaires. Même si, au regard du nombre d’Etats partie (38), les attentes placées dans ce traité ne sont pas encore à la hauteur des espérances, il est utile de préciser que la quasi-totalité des Etats l’ont signé. Il est donc important de poursuivre cette vertueuse dynamique en continuant le plaidoyer pour la ratification des autres Etats.

L’engagement des Etats africains pour un monde sans armes nucléaires s’est amplifié depuis la Conférence d’examen du TNP en date de 2010. Cette Conférence a permis de lancer une nouvelle base de discussion fondée sur les conséquences humanitaires catastrophiques de l’utilisation de l’arme nucléaire. Il a aussi permis à un nombre croissant d’Etats africains de s’approprier cette question relative au désarmement humanitaire. Ainsi, que ce soit lors de cette avant-dernière Conférence d’examen de 2010 ou encore à Oslo, à Nayarit ou à Vienne, les Etats africains ont profité des tribunes qui leur ont été offertes pour exprimer leur profonde inquiétude face aux conséquences des armes nucléaires et leur espoir  qu’advienne finalement un traité portant sur leur interdiction. Ces différentes rencontres ont été à chaque fois l’occasion de redynamiser le groupe Africain et surtout de l’amener à prendre conscience du rôle déterminant qu’il peut jouer dans ce grand combat.

 En ajout des acquis et avancées à consolider, il est également très important d’inscrire la montée de « petits Etats », en terme d’influence, tel que le Togo ou le Congo, au coté de pays comme l’Afrique du Sud ou encore l’Egypte. Ces Etats commencent, en effet, à prendre des initiatives fort remarquables sur cette question afin, certainement, d’ajouter leurs voix particulière aux discussions et négociations en faveur du désarmement humanitaire. Ces acquis précieux doivent être conservés et renforcés tout en espérant une Afrique encore plus active sur la question du désarment humanitaire.

L’espoir d’une Afrique toujours plus active

Le temps des espoirs ne peut être que celui qui permet de souligner l’importance et l’urgence d’une Afrique plus active sur les questions relatives au désarmement nucléaire. Il s’agit non seulement de préserver les acquis soulignés ci-dessus, mais d’entreprendre aussi des actions décisives.

Une première piste d’action passe par la redynamisation du traité de Pelindaba à l’instar de ce qui est fait dans le cadre du traité de Tlatelolco. Cette redynamisation suppose, outre la ratification des Etats manquants, le renforcement de la commission africaine de l’énergie nucléaire. Cette dernière, il faut le rappeler, est l’organisme de mise en œuvre et de surveillance du Traité de Pelindaba. La Commission africaine de l’énergie nucléaire (AFCONE), s’assure ainsi que toutes les parties respectent leurs obligations en matière de non-prolifération, y-compris l’obligation d’empêcher, par tous les moyens possibles, les acteurs non-étatiques de fabriquer, acquérir, posséder, développer, transporter, transférer ou utiliser des armes nucléaires. Cette redynamisation du traité de Pelindaba reste capitale dans la mesure où elle permettra immédiatement de renforcer le forum des autorités de régulation nucléaire en Afrique (FNRBA). Ce forum, un acquis du traité de Pelindaba, a pour but de permettre aux états membres (32 en 2012) d’améliorer leur réglementation nucléaire, en changeant les pratiques désuètes et en comblant les lacunes dans leur législation.

Les espoirs nourris se trouvent également dans la nécessité d’intégrer l’interdiction des armes nucléaires dans les politiques nationales et continentale. En effet, la totalité des Etats africains est partie au Traité de Non Prolifération. Conformément à ce dernier, et dans le cadre de leur sécurité collective, ces Etats doivent donc intégrer dans leurs politiques les mesures d’incitation destinées à la mise en œuvre du désarmement nucléaire. Les espérances résident également dans le fait que les Etats africains, de la même manière qu’ils ont joué un grand rôle dans les négociations sur les conventions sur les armes à sous-munitions et les mines antipersonnel, puissent parler d’une seule voix pour exiger l’interdiction des armes nucléaires.

Il est aussi important de renforcer l’implication des organisations religieuses dans les actions tout en prenant en compte les particularismes africains, en incluant les femmes et les jeunes. D’une façon générale, telle qu’évoquée plus haut, il semble aussi important de renforcer la participation et la représentation des Etats africains et de la société civile africaine dans les discussions et négociations relatives au désarmement nucléaire.

En ce qui concerne les Etats africains ayant souscrit à l’engagement humanitaire, ils doivent considérer dorénavant ce dernier comme étant la base d’un nouveau processus destiné à développer un instrument juridique contraignant et complet interdisant les armes nucléaires. « Les 70ième anniversaires du bombardement d’Hiroshima et de Nagasaki doit être l’occasion pour les 38 pays Africains qui y ont souscrit de réaffirmer leur attachement à l’engagement humanitaire et d’exprimer leur désir de faire de l’interdiction des armes nucléaires un axe prioritaire pour toute l’Afrique en s’appuyant sur les conséquences humanitaires catastrophique des armes nucléaires pour le continent Africain. »

La Conférence d’examen du TNP de 2015,  vient de s’achever. Et elle est encore venue renforcer le fait que le TNP ne puisse pas effectivement permettre de réaliser l’idéal d’un désarmement nucléaire. Il est important malgré cela de rester optimiste ; en espérant que les Etats ayant souscrit à l’engagement  humanitaire agissent avec le dessein de combler le vide juridique existant. C’est également l’occasion de rappeler à ces Etats qu’oublier l’engagement humanitaire équivaudrait, ainsi, au délaissement du combat mené par la Société Civile à l’instar de la Campagne Internationale pour l’abolition des Armes Nucléaires (ICAN).. Un combat qui réside dans la nécessité de combler le vide juridique pour stigmatiser, interdire et éliminer ces armes, les seules de destruction massive, non encore soumises à interdiction.

A l’issu de la conférence d’examen du TNP de 2015, la grande conclusion devant être tirée par les Etats africains reste celle-ci : si les Etats dotés d’armes nucléaires refusent d’aller vers un traité d’interdiction, il est évident que les Etats non dotés, et en particulier les 54 Etats  africains, devront prendre le devant avec les autres Etats engagés dans le processus. C’est exactement à ce niveau que réside leur responsabilité, vu les grandes avancées qu’ils ont déjà prises en matière de dénucléarisation.

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