DECLARATION DE LA SOCIETE CIVILE OUEST AFRICAINE A L’ISSUE DE LA REUNION SUR LA MISE EN ŒUVRE DU PLAN D’ACTION DE LA VALETTE PAR LES ETATS MEMBRES DE LA CEDEAO
Accra, 9 au 11 février 2016
Les organisations de la société civile ouest africaine présentes à Accra au Ghana saluent la réunion de la CEDEAO sur la mise en œuvre du plan d’action adopté par l’Union Européenne et les Etats Africains au sommet de la Valette à Malte, les 11 et 12 novembre 2015.
Le drame, qui continue au large des côtes européennes, dans le désert du Sahara et dans le Golfe de Guinée, ne serait laisser les pays ouest africains indifférents. Ainsi la société civile ouest africaine se réjouit de voir la forte implication des Etats membres de la CEDEAO pour trouver des solutions à ce phénomène. La perspective du sommet de la Valette a permis, de septembre 2015 à novembre 2015, de nombreuses réunions au niveau des Chefs d’ Etat et au niveau ministériel pour définir une position commune de la CEDEAO. La société civile ouest africaine se réjouit que tout au long de ce processus elle ait été associée dans les cadres de dialogue mis en place à cet effet. Cependant son message à l’endroit des Chefs d’Etats peine encore à se faire entendre.
En effet la crise de l’Europe face à l’arrivée des migrants et les obstructions qui naissent dans la libre circulation au niveau de l’espace Schengen doivent permettre de faire émerger la CEDEAO comme un modèle d’espace de libre circulation. 84% des migrants ouest africains vivent dans un autre pays de l’espace CEDEAO. Ce constat à lui seul démontre que les enjeux de la migration à laquelle doivent répondre les Etats membres de la CEDEAO sont assez spécifiques et peuvent être en certains points éloignés des demandes de l’Union Européenne en matière de gestion migratoire. La volonté de nos populations d’aller vers une meilleure mobilité dans leur espace se heurte à la tentation du contrôle de la mobilité dans l’espace ouest africain tel que le laisse présager le plan d’action de la Valette.
Les cinq points majeurs du plan d’action de la Valette et la création annoncée d’un centre d’accueil, de formation professionnelle et d’orientation des migrants à Agadez au Niger, laisse craindre à la société civile une remise en cause de libre circulation historique de nos peuples dans l’espace ouest africain entérinée par les protocoles de la CEDEAO. Malgré les risques sécuritaires liés à la multiplication des actes terroristes, que la société civile condamne, elle reste persuadée que la réponse adéquate à l’afflux migratoire se trouve dans des politiques migratoires respectueuses des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille.
La société civile invite donc les Etats membres de la CEDEAO à prendre en compte la nécessité du respect du droit à la libre circulation de leur population dans le suivi du plan d’action de la Valette et dans les projets à soumettre au fonds fiduciaire de 1,8 milliards d’euro mise en place par l’Union Européenne.
La société civile rappelle que les causes profondes de la migration irrégulière se retrouvent dans les politiques migratoires restrictives développées par l’Union Européennes ces dernières années. Une solution à la migration irrégulière ne saurait être trouvée sans un cadre de dialogue franc et sincère entre l’Union Européenne et les Etats membres de la CEDEAO pour offrir aux populations, et en particulier les jeunes, des opportunités de mobilité et d’exemption de visa tel que obtenu par certains pays d’Amérique Latine. Une mobilité consensuelle pourrait permettre d’éviter que les migrants ouest africains aillent alimenter les réseaux de passeurs, et favorisera la créativité et des investissements productifs créateurs d’emploi, des jeunes africains après leur expérience migratoire.
Face à la crise climatique, la sécheresse, l’érosion côtière et les catastrophes naturelles qui se multiplient dans l’espace CEDEAO, la société civile insiste sur la nécessité de prendre en compte dans les projets qui seront soumis au fonds fiduciaire la résilience face au changement climatique. Un dialogue doit également s’ouvrir dans le cadre du suivi du plan d’action de la Valette pour trouver des solutions au problème des réfugiés et déplacés internes qui se retrouvent majoritairement dans l’espace CEDEAO et dont le coût est supporté par les Etats malgré leur manque de ressource.
La lutte contre la traite des personnes et le trafic des migrants ne serait juste se limiter à une guerre contre les passeurs. A ce sujet, la société civile rappelle la nécessité dans le cadre du fonds fiduciaire de soutenir les projets allant dans le sens du renforcement du cadre juridique et de la protection des victimes de traite et de trafic. Elle invite les Etats membres de la CEDEAO à ratifier l’ensemble des instruments juridiques sur la traite des personnes, le trafic des migrants et le travail domestique. La société civile africaine reste persuadée qu’une réponse possible pour éviter la traite des personnes et le trafic des migrants, serait la création de filière sécurisée de migration professionnelle et de mobilité universitaire à l’intérieur et hors de l’espace CEDEAO.
La société civile ouest africaine tient à exprimer ses réserves sur les mécanismes de retours volontaires actuellement en œuvre entre les Etats européens et les Etats membres de la CEDEAO. Elle tient à rappeler que dans l’intérêt de la dignité des migrants tout retour doit se faire en tenant compte du risque de précarité et d’insécurité dans lequel pourrait se retrouver la personne retournée. Au vu de l’importance des membres de la diaspora, quelque soit leur situation légale dans les pays d’accueil, pour le financement du développement des Etats membres de la CEDEAO, tout retour doit être mené dans le respect et dans la concertation avec les Etats membres de la CEDEAO avec une nécessaire prise en charge du suivi psychologique et de la réinsertion professionnelle du migrant dans les pays d’origine.
La diaspora a, de l’avis de la société civile, un grand rôle a joué pour développer une migration « gagnant gagnant » entre les Etats membres de la CEDEAO et l’Union Européenne. La société civile invite donc à des mécanismes facilités d’accès au financement du fonds fiduciaire des projets développés par ou à l’endroit des diasporas ouest africaines en Europe.
Afin de suivre la mise en œuvre du plan d’action de la Valette, des financements qui seront accordés par le fonds fiduciaire et le respect des droits humains des migrants ouest africains, l’ensemble des acteurs de la société civile présente à la réunion d’Accra ont convenu de constituer un Observatoire de la Société Civile Ouest Africaine sur le Plan d’Action de la Valette. Cet observatoire permettra une meilleure représentativité de la société civile dans les cadres de dialogue régionaux et nationaux sur la migration.
Nous appelons la Commission de la CEDEAO et les partenaires techniques et financiers à soutenir cette initiative.
Fait à Accra le 11 février 2016
ORGANISATIONS | PAYS | |
1 | ONG UNION FAIT LA FORCE (UFF) | BENIN |
2 | ALERT MIGRATION | BURKINA FASO |
3 | MIGRATION POLICY AND ADVOCACY NETWORK (MiPAN) | GHANA |
4 | RESEAU AFRIQUE JEUNESSE DE GUINEE (RAJ-GUI) | REPUBLIQUE DE GUINEE |
5 | MOVIMENTO NACIONAL DA SOCIEDADE CIVIL PARA A PAZ , DEMOCRACIA E DESENVOLVIMENTO (MNSCPDD) | GUINE-BISAU |
6 | ECOWAS CIVIL SOCIETY | LIBERIA |
7 | ASSOCIATION MALIENNE DES EXPULSES | MALI |
8 | AMLGAMATED YOUTH MOVEMENT | SIERRA LEONE |
9 | ENDA DIAPOL | SENEGAL |
10 | VISIONS SOLIDAIRES | TOGO |
Personnes de contact :
- Samir ABI, Visions Solidaires, TOGO, Tél : (+ 228) 90 79 44 12 email : samirvstg@gmail.com
- Eric PEASAH, Migration Policy and Advocacy Network, GHANA, Tél : (+233) 242 170 827 email : epeasah@yahoo.com