Visions Solidaires

Accueil » Migration » Traite transnationale

Traite transnationale

ANALYSE SITUATIONNELLE SUR LE TRAFIC DES TRAVAILLEURS MIGRANTS TOGOLAIS ET LA TRAITE DES PERSONNES DANS LES PAYS DU MOYEN-ORIENT ET D’AFRIQUE CENTRALE

pas à vendre

RESUME

La majeure partie des émigrants togolais quittent leur patrie pour exercer un travail rémunérateur à l’étranger, grâce auquel ils envoient des fonds à leur famille restée au pays. Toutefois, bon nombre de ces travailleurs migrants togolais se retrouvent exploités et sans accès à une protection adéquate dans leur pays de destination. L’analyse situationnelle, objet de la présente étude, s’est concentrée sur la situation des travailleurs migrants togolais en Afrique centrale (Angola, Congo, Gabon, Guinée Equatoriale …) et au Moyen-Orient (Arabie Saoudite, Jordanie, Koweit, Liban…). Bien que la situation d’exploitation que vivent les travailleurs migrants togolais touche tous les continents, le choix des pays d’Afrique centrale et du Moyen-Orient est dû aux échos réguliers qui arrivent via les médias sur les conditions de travail et même sur les cas de décès de travailleurs migrants togolais dans ces pays.

L’analyse situationnelle s’est fondée sur une méthodologie de recherche qualitative faite d’entretiens avec des travailleurs migrants de retour au Togo et d’autres travailleurs migrants actuellement présents dans les pays d’Afrique centrale et du Golfe. Des enquêtes ont été également menées auprès des institutions étatiques togolaises pour recenser les dispositifs d’accompagnement et de protection des travailleurs togolais à l’étranger. Enfin, une revue documentaire a permis de déterminer un ensemble de bonnes pratiques en cours dans ces pays de destination et dans les pays d’envoi de travailleurs migrants. 

Les facteurs expliquant le départ du Togo sont à la fois personnels, communautaires et d’ordre national. Au niveau personnel, le départ en migration répond à une volonté de valorisation sociale des migrants, souvent confrontés à une crise de confiance en leurs capacités suite à des échecs scolaires ou à des conditions de vie difficile. La situation familiale est souvent l’élément le plus déterminant du départ. Les mariages polygames, le manque de ressources, les mariages précoces ou encore les grossesses non désirées sont souvent des facteurs qui réveillent le besoin de s’exiler. Dans certaines communautés au Togo, on considère le départ en migration comme un rite de passage culturel destiné à préparer l’individu à devenir adulte. Enfin au niveau national, la situation économique et sociale difficile que connait le Togo est marquée par le manque d’emplois, des inégalités au niveau du genre et le peu d’accès aux infrastructures dans les milieux ruraux, ce qui explique le désir de migration professionnelle des populations.

Les modalités de voyages dépendent des ressources dont disposent le migrant et de sa destination. Pour les départs vers le Moyen-Orient, les formalités de voyage sont du ressort de l’agent recruteur, qui agit informellement pour le compte d’une agence de placement installée au Moyen-Orient. Dès que le dossier du candidat est accepté par l’agence de placement, des fonds sont mis à disposition du recruteur pour l’obtention d’un passeport et d’autres formalités de voyage. Un visa de travail est par la suite obtenu par l’agence de placement qui achète également le billet d’avion au profit du candidat à l’émigration. Ce dernier est souvent très peu associé à toute la procédure. Toutefois? il peut arriver que des agents recruteurs se servent de l’ignorance des candidats sur la procédure de départ pour leur soutirer de l’argent. A la suite de la décision des autorités togolaises de réglementer les départs de travailleurs migrants togolais vers les pays du Golfe par une présentation avant la sortie du territoire d’un contrat de travail respectant les normes de migration professionnelle, les agents recruteurs font voyager les candidats à l’émigration via le Ghana ou le Bénin. Le pèlerinage en Arabie Saoudite des musulmans est également un temps fort où s’opère le départ des candidats à la migration professionnelle.

Le voyage des travailleurs migrants se rendant en Afrique centrale se déroule le plus souvent par la voie terrestre et maritime à cause des conditions difficiles d’obtention de permis de séjour. Les candidats entrent clandestinement dans ces pays grâce à des passeurs et peuvent bénéficier des réseaux existant sur place pour trouver du travail dans le secteur informel. Il faut noter également pour ces voyages les dures conditions auxquelles sont confrontés les migrants dans les pays de transit. Se retrouvant en détresse dans les pays de transit, ils sont alors exploités par des passeurs.

Les conditions de séjour des travailleurs migrants togolais au Moyen-Orient et en Afrique centrale sont à certains points similaires. Le séjour est souvent marqué par une vie clandestine et par des conditions d’exploitation au travail faites de longues journées de travail sans possibilité de repos hebdomadaire et avec des difficultés d’obtention du salaire. La différence notable entre le Moyen – Orient et l’Afrique centrale réside dans le système de « Kafala » qui prévaut au Moyen-Orient et fait du travailleur migrant une propriété de l’employeur. Ainsi le travailleur migrant se retrouve sans droit face à un employeur qui peut disposer de lui à sa guise. Les travailleurs migrants peuvent évoluer comme travailleur indépendant dans l’informel plus facilement en Afrique centrale qu’au Moyen-Orient.

Le travail indépendant permet aux travailleurs migrants de disposer de plus de liberté mais toutefois la contrainte reste l’obtention d’un permis de séjour pour ne pas se retrouver dans l’illégalité et donc sujet à une expulsion par les services de sécurité en charge de l’immigration. A ce niveau, la répression dont sont victimes les travailleurs migrants aussi bien au Moyen-Orient qu’en Afrique centrale facilite leur expulsion. Il faut noter que très peu de pays dans ces régions ont ratifié les conventions de l’Organisation Internationale du Travail et des Nations Unies portant sur les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille.

De retour au Togo, les travailleurs migrants ont des problèmes de réinsertion sociale face aux manques de moyens des structures étatiques pouvant les accompagner. Ceux qui arrivent à rentrer avec des économies dépensent assez rapidement leurs avoirs au profit de leur famille et sont tentés de repartir de nouveau en émigration. Les travailleurs migrants qui reviennent avec des maladies ou suite à des accidents de travail se retrouvent dans une précarité totale. Laissés sans soins par leur famille, ils peuvent développer des tendances au suicide. Enfin, la réinsertion familiale est tout aussi difficile pour les femmes et les hommes ayant laissé longuement leurs enfants et conjoints suite à leur départ en migration professionnelle.

Différentes institutions publiques togolaises ont dans leur mission la charge de s’occuper de l’accompagnement et de la protection des travailleurs migrants avant, pendant et après leur séjour dans les pays de destination. D’autres structures étatiques s’occupent également de la prévention et de la répression de la traite transnationale et du trafic des travailleurs migrants togolais. Ces structures rencontrent des difficultés dans leur travail faute de ressources suffisantes et elles sont peu approchées par les travailleurs migrants (au départ ou au retour) qui ignorent leur existence. L’analyse des bonnes pratiques développées dans d’autres pays ont permis d’aboutir à un certain nombre de recommandations formulées à la fin de l’étude à l’endroit des autorités togolaises. Ces recommandations pourront aider à une meilleure protection des droits des travailleurs migrants togolais.

Publicité

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :