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« A L’ECOUTE DES FEMMES EN SITUATION DE HANDICAP »

CAMPAGNE HANDIVALIDES 2013

 Chronique de Campagne N°4 : Juin 2013

 (Chronique animée par Valérie ATTISSO, chargée des campagnes Handicap à Visions Solidaires)

 Interview de Mlle AKAKPO Ayaba Gentille, handicapée visuelle, Etudiante au département des Etudes Ibériques à l’Université de Lomé.

« Originaire d’Afagnan, dans la préfecture des Lacs, je suis le troisième enfant de mon papa et la cadette de ma maman. Avant ma naissance, ma mère avait de graves difficultés au niveau de sa vie conjugale. Les terribles souffrances qu’elle a vécues durant cette période ont entrainé ma naissance prématurée. C’est ainsi que je suis née aveugle, sans que mes parents ne s’en rendent compte. C’est ma tante maternelle qui a finalement constaté ma cécité, lors d’une visite chez nous. Elle en a aussitôt informé ma mère qui l’a reçue comme tel, malgré la douleur qui perçait son cœur. Mon père, quant à lui, fut indifférent à cette nouvelle. Ma mère m’amena à l’hôpital d’Afagnan chez un ophtalmologue qui lui conseilla d’attendre mes 9 ans pour me faire subir une opération chirurgicale des yeux. A 9 ans, l’opération n’a malheureusement pas pu avoir lieu car l’ophtalmologue l’a trouvée finalement impossible. J’ai du donc apprendre à  vivre dans  cette obscurité éternelle.

J’ai commencé l’école primaire à 5 ans, à Togoville au centre des Aveugles « Kékéli  Néva » grâce aux encouragements de ma mère. Les frais scolaires ont été à sa  charge jusqu’au CE2. Par la suite, la sœur Véronique, pédiatre à l’hôpital d’Afagnan, en partenariat avec la Fondation Liliane, a pris la relève pour la prise en charge de ma scolarité. J’ai eu mon CEPD à 12 ans, mon BEPC à 16 ans au Collège Notre Dame du Lac, à Togoville, et le Baccalauréat, série A, à 19 ans au Lycée de Togoville.

Au début, je me déplaçais très difficilement car je n’avais pas de canne blanche et ce n’est qu’à 13 ans, que j’ai commencé par en utiliser une grâce à un don. Tout au long de ma scolarité, mes relations avec les autres élèves et mes enseignants ont été bonnes, hormis celles avec certains élèves qui pensaient que le handicap était contagieux. Mais progressivement, j’ai pu établir une relation de confiance avec eux. Je n’ai jamais redoublé une classe. J’ai toujours été de niveau scolaire moyen,  mais je remercie Dieu de m’avoir permis de fréquenter l’école et d’apprendre à me débrouiller toute seule. Mes parents n’acceptaient pas que je fasse la cuisine de peur que je ne me brûle. C’est au cours primaire, au centre « Kékéli Néva », que j’ai appris à balayer et à préparer. Ma grande mère maternelle m’a aidée par la suite à mieux cuisiner.

Mon rêve était de devenir kinésithérapeute. Mais après mon bac, j’ai finalement décidé d’étudier l’espagnol à l’Université de Lomé, au Département des Etudes Ibériques. Je me suis fait beaucoup de connaissances à l’université, pour cette raison les camarades m’ont surnommée  « L’Internationale ». Mes collègues d’amphi aiment  bien m’aider lors de la dictée des cours, ce qui me rend un grand service.

Je me méfie beaucoup en ce qui concerne  les relations amoureuses car d’une part les hommes handicapés visuels préfèrent les femmes valides compte tenu des tâches familiales. D’autre part, les hommes valides se demandent si les femmes handicapées visuelles  peuvent les satisfaire au lit. Mais quand tu te livres à eux, ils en profitent et abusent de toi. Parfois, c’est la belle famille qui s’oppose aux relations.

Au finish, je suis très fière de moi-même car je suis le seul enfant de mes parents qui ait pu avoir le Baccalauréat et entamer des études universitaires. De temps en temps, je me plains, et je pleure sur mon handicap car je me sens comme condamnée à toujours vivre aux dépends des autres.  Pour faire par exemple des recherches, il me faut un assistant, à cause de l’absence de livres écrits en braille. Quelques fois, c’est vraiment dur.

J‘appelle mes frères et sœurs non-voyants, à ne pas se dévaloriser et à se surpasser, car les choses évoluent aujourd’hui sur le plan technologique. Je les encourage à tout faire pour fréquenter. Ce n’est qu’à travers les études que nous sommes le plus considérés. Je les exhorte enfin à ne pas oublier leur Seigneur, à prier chaque jour avant de faire toute chose, et à s’accrocher à la foi en Dieu.»

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2 commentaires

  1. LANTAM G Alex dit :

    J’apprécie énormément votre chronique qui constitue une porte ouverte pour la promotion des droits des femmes handicapées. Félicitations à vous.

  2. Lolonko dit :

    Il y a de la valeur, du sens, de la signification et de l’importance à ce sommes, tel que nous sommes. Tu n’es pas condamnée à toujours vivre aux dépends des autres. Laisse toi conduire et guider pas le Seigneur, pour qui tu es une merveilleuse créature. Glorifie Dieu pour l’instinct maternel de maman qui te permet aujourd’ui de faire ce beau témoignage pour le bien de nombreuses autres filles et femmes handicapées et même non handicapée.
    Je te souhaite plein plein plein de courage.

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