DIALOGUE SUR LA MIGRATION EN AFRIQUE DE L’OUEST (MIDWA 2016)
ABIDJAN, CÔTE D’IVOIRE, 23 au 25 août 2016
POSITION COMMUNE DES RESEAUX ET ORGANISATIONS DE LA SOCIETE CIVILE TRAVAILLANT SUR LA MIGRATION EN AFRIQUE DE L’OUEST
Nous, réseaux et organisations de la société civile travaillant sur la migration en Afrique de l’Ouest tenons à saluer la commission de la CEDEAO et ses partenaires (UE, Suisse, OIM, ICMPD, ILO,…) pour la tenue de cette nouvelle édition du Dialogue sur la Migration en Afrique de l’Ouest (MIDWA). L’existence d’un tel processus en Afrique de l’Ouest fait la fierté des citoyens de la Communauté Economique Des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui depuis 1975 n’ont cessé d’accompagner les actions de leurs Chefs d’Etat en faveur de l’intégration sous régionale. Le MIDWA est un espace qui nous semble important à maintenir et à développer dans l’avenir pour y faciliter un véritable dialogue direct autour de la migration entre les citoyens de la CEDEAO et leurs autorités politiques et administratives dans le sens de la CEDEAO des peuples voulue par nos dirigeants à l’horizon 2020.
Le présent MIDWA qui entend se pencher sur les questions de liberté de circulation dans l’espace ouest africain et du changement climatique ne pouvait laisser nos réseaux et organisations indifférents. En effet, chaque jour sur le terrain, nos réseaux et organisations sont les témoins des multiples rackets et extorsions de fonds dont sont victimes nos mères et sœurs commerçantes transfrontalières et tout citoyen désirant circuler librement dans l’espace communautaire. Malgré les multiples réunions, formations et campagnes de vulgarisation des protocoles régissant la libre circulation des personnes et des biens dans l’espace CEDEAO, les habitudes de corruption aux frontières semblent difficiles à faire disparaitre. Face à cette situation il nous apparait nécessaire d’interpeller les autorités politiques dans chaque pays de la CEDEAO et en particulier ceux en charge de la sécurité et de l’immigration sur leur responsabilité première dans cet état de fait.
En outre, la persistance de la corruption aux frontières pour cause de contrôle des documents de voyage et carnets de vaccination doivent conduire à un exercice de refonte des protocoles sur la libre circulation dans l’espace CEDEAO. A l’exemple de l’espace Schengen en Europe, la CEDEAO se doit d’être un espace d’une réelle libre circulation où les populations pourront circuler en toute liberté sans présentation d’un document de voyage. Le souci sécuritaire et de contrôle de la migration professionnelle qui a présidé à l’exigence des cartes d’identité et passeports dans le protocole de 1979 semble se heurter à la réalité de nos pays avec leurs frontières poreuses et les liens familiaux qui unissent les populations de part et d’autre de chaque frontière africaine.
Les récentes attaques terroristes dans divers pays de la région prouvent le caractère inefficace de ces mesures. Ces attaques terroristes, que nous condamnons, nous ont toutefois permis de constater que la sécurité des citoyens de la région dépend plus de la lutte contre les inégalités sociales et le renforcement de la coopération entre les services de renseignement dans la sous région plutôt que le renforcement des contrôles aux frontières. En ce sens et dans l’esprit qui a animé la création de la CEDEAO, nous appelons à une refonte du protocole de 1979 pour permettre une réelle liberté de circulation dans l’espace.
L’impact social et économique que pourrait avoir la libre circulation dans l’espace CEDEAO est malheureusement miné par l’absence d’une réelle politique d’intégration culturelle et sociale entre les peuples et de lutte contre la discrimination des citoyens communautaires résidents dans d’autres Etats de la CEDEAO. Cette discrimination crée un sentiment de xénophobie ambiant qui empêche les citoyens de la communauté d’exercer leur profession ou leurs activités économiques librement dans un pays de la CEDEAO autre que le leur. Face à cette situation il nous semble important qu’une priorité soit accordée à la lutte contre la xénophobie et aux campagnes pour une réelle intégration entre les peuples de la sous région. Il nous semble également important d’interpeller les Etats de la région pour une nécessaire évolution de leur cadre législatif concernant l’emploi des citoyens communautaires, la protection des droits des travailleurs migrants et la mobilité estudiantine au sein de la CEDEAO conformément aux conventions des Nations Unies sur les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille et à celles de l’Organisation Internationale du Travail (OIT).
La transhumance est une des activités économiques dans la sous région faisant un lien certain entre la libre circulation des personnes, leurs biens et le développement dans nos pays. L’intensification des activités de transhumance, due aux changements climatiques, entraine malheureusement une crise sans précédent dans notre région. Des centaines de morts ont été enregistrés encore cette année lors de la campagne de transhumance dans les pays côtiers. La responsabilité de ces morts nous incombe tous car nos actions semblent ne pas assez prendre en considération les réalités de nos populations vivant de l’agriculture dans les zones rurales. L’adaptation aux changements climatiques dans la région devra, à nos yeux, passer par une réflexion approfondie sur le secteur de l’élevage traditionnel et le traité régional concernant la transhumance.
Le plan d’action de La Valette étant à l’ordre du jour de ce dialogue, il nous semble important de réitérer les attentes de la société civile exprimées dans leur déclaration en marge de la conférence de la CEDEAO à Accra du 9 au 11 février 2016 portant sur le suivi du sommet de La Valette. Les réseaux et organisations de la société civile travaillant en Afrique tiennent encore une fois à dénoncer le fait que la lutte contre la migration irrégulière soit devenue une conditionnalité de l’Aide Publique au Développement. Cette situation est contraire aux Objectifs de Développement Durable adoptés il y a à peine un an aux Nations Unies. Tout comme l’exige la Turquie dans son partenariat sur la migration avec l’Europe, nos organisations sont convaincues qu’un partenariat entre l’Europe et l’Afrique ne peut que passer par l’abolition des visas de court séjour demandés aux citoyens africains dans le cadre de leur mobilité vers l’Europe. Nos organisations réaffirment que les politiques européennes au niveau migratoire et au niveau économique par l’imposition des Accords dits de Partenariat Economique sont les premiers responsables du drame actuel dans les mers autour du continent et dans le Sahara.
Tout en saluant la tenue de ce rendez-vous annuel permettant un dialogue au sein de la CEDEAO sur la migration, nos réseaux et organisations regrettent l’exclusion au sein de ce processus de nombreux acteurs de la société civile dont l’expertise en matière de migration pourrait être utile à ce dialogue. En effet, le mode de désignation des experts des organisations de la société civile laissé au soin des Etats ne permet pas en fonction des pays une réelle représentation des composantes les plus actives et expérimentées sur la migration. Pour permettre une réelle prise en compte des voix des acteurs de terrain travaillant sur la migration en Afrique de l’Ouest, et en suivant l’exemple du Forum Mondial sur la Migration et le Développement (FMMD), les réseaux et organisations travaillant sur la migration dans la région s’engagent à organiser en prélude du prochain MIDWA, une journée de la société civile. Cette journée de la société civile dont l’organisation sera pilotée par des réseaux et organisations ouest africaines reconnus pour leur travail autour de la migration en collaboration avec la commission de la CEDEAO et ses partenaires, permettra une meilleure prise en compte des propositions d’un grand nombre d’acteurs de la société civile dans le dialogue sur la migration en Afrique de l’Ouest. La CEDEAO des peuples, que nous appelons de tous nos vœux, en sera ainsi renforcée.
Tout en réitérant leur attachement au processus du Dialogue sur la Migration en Afrique de l’Ouest et en saluant les partenaires qui l’accompagnent, nos réseaux et organisations de la société civile expriment le souhait de voir cette déclaration annexée aux conclusions du présent dialogue.
Réseaux et Organisations de la société civile signataires:
Visions Solidaires – TOGO
Association des Refoulés d’Afrique Centrale au Mali (ARACEM)- MALI
Alternative Espace Citoyen (AEC) – NIGER
Movimento Nacional da Sociedade Civil para a Paz, Democracia e Desenvolvimento(MNSCPDD) – GUINEE BISSAU
Réseau Afrique Jeunesse – Guinée (RAJGUI) – GUINEE
Union Fait la Force (UFF)- BENIN
Enfants Solidaires d’Afrique et du Monde (ESAM) – BENIN
Association Mauritanienne des Droits de l’Homme (AMDH) – MAURITANIE
Enda Prospectives Dialogues Politiques (Enda Diapol) – SENEGAL
Alert Migration – BURKINA FASO
Network of Ex Asylum Seekers (NEAS)- SIERRA LEONE
Migration Policy and Advocacy Network (MiPAN)- GHANA
Observatoire Ouest Africain des Migrations (OOAM)