La Voix des Migrants : Mars 2013
Ma différence c’est ton regard
Par Samir ABI
ISRAEL, Jérusalem, fin des années 80, dans une synagogue, un concours de controverse sur la Torah entre Schlomo, un Falasha (Juif noir d’origine Ethiopienne) et Mikhael Lebowitz (Juif blanc), le sujet portait sur la couleur d’Adam. Schlomo a son tour de parole :
«Adam et Dieu sont-ils vraiment de la même couleur et blancs ? (…) Au commencement était le verbe, Dieu créa la terre puis il créa la vie, en donnant un souffle au verbe. Dieu croyait en l’Homme, en chacun de nous. Il nous a confié le mot pour que chaque Homme lui apporte un souffle personnel, unique, humain et profond en l’interprétant à sa façon. Quant à Adam, son nom vient du mot Adama qui en hébreu en fait signifie « terre » car Dieu l’a créé avec de l’argile. Comme mot Il a donné du souffle à l’Homme. Adam est né de la terre. Adam a la couleur de l’argile. Il est Rouge. Rouge en hébreu se dit Adom. Adam/ Adom . C’est pourquoi vous voyez qu’Adam n’était en fait ni blanc ni noir. Il était rouge… » (Va, vie et deviens, Film de Radu Mihaileanu, 2005).
FRANCE, Paris, Aéroport de Roissy Charles De Gaule en 2009, à la sortie d’un ascenseur de la gare SNCF, une femme à l’apparence musulmane portant un voile et accompagné de sa fille se fait agresser par un couple qui voulait rentrer dans le même ascenseur : « Retournez dans votre pays vous n’avez rien à faire dans notre pays ». Et la dame, malgré le choc lui répond : « Je suis française, de parents et de grands-parents français. Au revoir Monsieur et Dame ».
ETATS UNIS, Etat de l’Arizona, en 2010 : une nouvelle loi voit le jour autorisant la police à contrôler les documents d’identité de toute personne ayant des traits latino-américains.
TOGO, Lomé, en 2012, une jeune fille présentant son fiancé à ses parents. Réaction des parents : « L’as-tu bien regardé avec ses balafres avant de vouloir l’épouser ? » La fille venait du Sud et le garçon du Nord du Togo.
AFRIQUE DU SUD, Sharpeville, 21 mars 1960, des populations se soulevaient contre la loi des laissez-passer imposés par le régime de l’apartheid. Répression sanglante, 69 personnes tuées. Et de ce tragique évènement naît la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale.
Une journée pour se rappeler des humiliations subies à chaque pas, dans les marchés, devant les écoles, dans l’administration publique, les consulats, les aéroports, les stades de foot, en bref dans l’espace public, comme conséquence de notre différence. Coupables d’être noir, arabe, musulman, voilé, « du sud ». Héritage d’une culture populaire qui a du mal à se défaire des préjugés acquis. Combien de génocides faudrait-il encore pour percevoir l’absurdité de mettre au devant toutes nos différences ?
Dans « le monde fini du 21ème siècle », interconnecté via la technologie et mondialisé grâce à de multiples échanges, où la mobilité des personnes est plus que jamais devenue une nécessité, l’avenir du monde apparaît dans le métissage. Métissage des couples, des peuples et des cultures. A ce monde de demain que nous léguerons à nos enfants, que la confiance prenne le pas sur la peur de l’autre et que nos regards reflètent l’amour, bien loin de la différence et de la haine.
Ainsi soit-il.